Depuis le décès de Renaud, je suis de retour chez mes parents. Je ne voulais pas être seule, j’avais peur d’être seule.

Ce soir, mes parents sont sortis. Ils avaient des billets pour aller voir le Cirque du Soleil au Centre Bell depuis quelque temps déjà.

Je ne sais pas où est Philippe, sa chambre étant au sous-sol et la chambre d’invités au 2e. Peut-être qu’il est là, peut-être pas.

Mais peu importe, en ce moment, j’ai l’impression que la maison est vide.

 

Je suis partie de chez mes parents quand j’avais 16 ans, il y a donc neuf ans. Si je revenais passer la nuit, Renaud y était toujours. En fait, depuis ces neuf années, je ne crois pas avoir mis le pied dans la maison alors que Renaud n’y était pas plus d’une dizaine de fois.

La maison est vide.

 

Renaud étant un enfant différent, il pouvait faire beaucoup de bruit. Parfois, c’était ses DVD ou VHS. Parfois, ses jeux d’ordinateurs. Parfois, ses instruments. Parfois les robinets qu’il ouvrait, signe qu’il avait soif… Parfois, parfois, parfois. Renaud était toujours présent.

En ce moment, les seuls bruits que j’entends sont les planchers qui craquent et mes doigts sur les touches du clavier.

La maison est si vide.

 

Ce soir, je voulais rester à la maison, même si mes parents m’ont offert de m’amener au centre-ville, question d’aller souper avec une amie ou voir un film.

J’ai refusé. Je voulais rester à la maison, en pyjama, seule.

Un test, si on veut. Un test bizarre, je l’admets. Mais je devais me tester. Dès le 2 janvier, la « vie normale » recommencera. Je travaillerai au centre-ville et je ne pourrai / voudrai donc plus rester chez mes parents le soir.

Je devrai rester seule, dans mon appartement.

Avec mes pensées et mes souvenirs. Mais surtout, avec mon incompréhension toujours aussi présente.

Pourquoi Renaud? Pourquoi maintenant?

La maison est trop vide.

 

Je suis capable de me distraire, si je mets un film ou si je lis un livre. Par chance, j’ai reçu pour ma fête, au début du mois, la collection complète des films d’Harry Potter et pour Noël, les saisons 1 à 6 de How I Met Your Mother.

Mais dès que le silence tombe, les pensées recommencent.

Je n’arrive toujours pas à croire que je ne pourrai plus donner un bec sur la joue de mon petit frère, lui jouer dans les cheveux, lui prendre la main. Je ne peux pas croire qu’il ne me volera plus une patate (ou cinq) lorsque je dois l’aider à manger. Je ne peux pas croire que je n’entendrai plus d’Annie Brocoli (!).

Je n’arrive toujours pas à y croire.

 

Et la maison est tellement vide.